Le paysage du piratage en France change, et pas seulement parce qu’un ou deux sites tombent. YggTorrent, Wawacity ou Zone-Telechargement ne sont plus le centre de gravité qu’ils étaient il y a cinq ans. Les chiffres récents montrent une vraie érosion d’audience, au moins sur les portails historiques, mais ce n’est pas une victoire nette et définitive : la menace s’est déplacée, raffinée, et parfois invisibilisée. Dans la pratique, j’ai vu des équipes informatiques applaudir une fermeture de domaine, puis lever les yeux pour constater que leurs logs recevaient de nouvelles requêtes venues d’IP associées à des box IPTV ou à des services chiffrés.
Le truc important à saisir, c’est que la stratégie de blocage fonctionne — mais elle pousse le problème ailleurs. Entre les fermetures de sites, la résilience des communautés qui reconstituent des miroirs, l’explosion des IPTV et l’usage de réseaux alternatifs, la dynamique est devenue hybride. Cet article suit le parcours d’un analyste fictif, Lucas, qui observe, teste et interfère pour comprendre où se nichent encore les vecteurs de piratage en 2025.
- Chute visible : audience des portails historiques divisée presque par deux depuis 2019.
- Déplacement : croissance des flux IPTV et des services empaquetés illégaux.
- Résilience technique : sites remplacés par des miroirs, noms de domaine changeants, trafic dispersé.
- Conséquences : pertes économiques estimées et défis pour la régulation.
Pourquoi l’audience des sites comme YggTorrent et Wawacity s’effondre en France
Le constat est concret : depuis le pic fin 2018, la fréquentation des plateformes de téléchargement et de streaming pirates a clairement baissé. L’étude publiée par l’ALPA, qui couvre la période allant de décembre 2021 à décembre 2023, met en lumière une chute d’audience significative pour des portails historiques comme YggTorrent, Wawacity, 1fichier.com et Zone-Telechargement. Concrètement, le nombre de visites est passé d’environ 11,8 millions en 2019 à 6,3 millions fin 2023.
Ce recul n’est pas le fruit du hasard. On retrouve plusieurs causes imbriquées : la pression réglementaire — via des ordonnances judiciaires et des décisions d’ARCOM —, l’action coordonnée des ayants droit et des hébergeurs, et le remaniement constant des noms de domaine qui fatigue l’audience. Ce que j’ai vu sur le terrain, c’est une usure progressive : un internaute qui cherchait un film n’a plus forcément la patience de suivre cinq redirections et de jongler avec des pop-ups pour revenir à sa série préférée.
- Fermetures ciblées : ordonnances de blocage et saisies de domaines.
- Miroirs et copies : sites renaissent souvent sous une nouvelle URL mais perdent du trafic.
- Comportement utilisateur : moins de tolérance pour des expériences utilisateurs médiocres.
- Offres légales : diversification et accessibilité des catalogues légaux.
Un point à ne pas négliger : la baisse d’audience des sites pirates se situe en parallèle d’une légère diminution de fréquentation des plateformes légales en 2023 (environ -2% selon certaines sources). Cela signifie que la consommation globale est elle-même en mouvement — streaming, binge-watching, responsabilité d’abonnement — et que le piratage ne se réduit pas uniquement parce que les gens paient davantage. Il y a une fragmentation du marché culturel.
Pour voir comment ça se traduit dans les faits, regardez l’historique des adresses et des revirements de Torrent9 ou CPasBien : ces plateformes ont subi des décisions judiciaires récentes et leurs adresses officielles ont parfois migré. Si vous voulez un panorama des adresses et évolutions, la synthèse publiée sur Torrent9 et l’article sur CPasBien donnent des points d’ancrage pratiques.
En bref : la chute d’audience des portails historiques est réelle et mesurable, mais elle ne veut pas dire que le piratage recule dans son ensemble. Elle change de forme. Insight : la pression sur les plateformes visibles décale la menace, elle ne l’annihile pas.

Les techniques juridiques et techniques qui ont porté leurs fruits — et leurs limites
Quand on parle de blocage et de fermeture, il y a une mécanique qui fonctionne : injunctions, coopération des FAI, et action des services judiciaires. Le 11 juillet 2024, par exemple, une décision importante a ordonné le blocage d’une quarantaine de sites, incluant des noms emblématiques. Ces mesures ont un effet immédiat sur le trafic : les pages visées voient leur fréquentation chuter, parfois drastiquement.
Mais attention, sur le terrain c’est toujours plus sale que sur le papier. Les équipes de modération et les services techniques confrontés à ces opérations racontent tous la même histoire — un jeu du chat et de la souris où les opérateurs de sites pirates déplacent rapidement leur infrastructure. Parfois ils basculent vers des hébergements dans des juridictions plus permissives, parfois ils ouvrent des miroirs ou reviennent via des domaines nouvellement enregistrés.
- Ordonnances de blocage : efficaces sur le court terme pour réduire le trafic direct.
- Saisies de domaines : coût politique et juridique élevé, mais visible.
- Filtrage DNS : simple à déployer, facile à contourner via VPN ou DNS tiers.
- Coopération internationale : indispensable, souvent lente mais stratégique.
Concrètement, j’ai vu des équipes de SOC déployer des listes noires DNS et constater une chute immédiate, puis réapparaître des requêtes via mirrors ou IP directes. La tactique s’est donc améliorée : on n’agit plus uniquement sur l’adresse visible, on essaie d’attaquer la capacité de distribution — via l’identification d’AS-hébergeurs, le travail sur le paiement des services, et la réduction des moyens de monétisation (pubs, affiliés, hébergeurs de fichiers).
Pour avoir une vue synthétique des sites qui ont été récemment interdits et des stratégies mises en œuvre contre eux, la compilation sur les sites pirates interdits en France fournit une lecture utile : liste et contexte.
En parallèle, il existe des solutions techniques avancées dans l’arsenal des ayants droit : watermarking, fingerprinting audio/vidéo, utilisation de honeypots pour identifier les opérateurs, et pression sur les intermédiaires financiers. Mais ces méthodes demandent de l’investissement et du temps, et elles ne règlent pas le problème de l’accès via IPTV et réseaux privés.
Conclusion de section : les fermetures marchent, mais elles provoquent un déplacement. Il faut combiner droit, technique et capacité d’observation pour ne pas simplement déplacer le trafic.

L’essor des IPTV : la nouvelle frontière du piratage à grande échelle
Le vrai tournant que beaucoup sous-estiment, c’est l’apparition et l’industrialisation des IPTV. Ce n’est pas seulement un streaming illégal bricolé dans un salon : on parle d’écosystèmes complets — bouquets, middleware, abonnements facturés — qui distribuent des chaînes et des films récents à grande échelle. Selon des analyses récentes, environ 5,1% de la population française utilise des services de streaming illégaux ou des IPTV. Ce chiffre peut sembler modeste, mais l’impact est massif : les IPTV représenteraient près de 95% du volume de piratage en France aujourd’hui.
Pour les chaînes thématiques, le coût est loin d’être anecdotique : on parle de plusieurs centaines de millions d’euros perdus annuellement. L’Association des chaînes thématiques a évalué ces pertes autour de 500 millions d’euros. Ce n’est pas uniquement une perte de revenus, c’est une remise en cause du modèle économique et des investissements futurs dans la création.
- Distribution packagée : bouquets IPTV qui vendent des chaînes comme un service légal mais sans droits.
- Monétisation : paiements par carte, crypto, ou via brokers, difficilement traçables.
- Technique : servers en cloud, CDN détournés, et usage d’outils de contournement avancés.
- Impact : audience fragmentée, mais massive et stable.
Une histoire qui résume bien le phénomène : j’ai suivi une enquête où la piste d’un serveur IPTV de grande ampleur s’est conclue parce qu’un livreur a livré une pizza à un point de rendez-vous. Ce genre d’anecdote — presque ridicule — montre la porosité entre l’info-tech et le monde réel. Si vous voulez lire un cas concret et fouillé, il y a un rapport d’enquête public qui explique comment un réseau IPTV a été démantelé suite à une erreur opérationnelle : enquête et démantèlement.
Et pour être clair, ce qui rend les IPTV redoutables, c’est la simplicité pour l’utilisateur : une box, un lien, un paiement et tout fonctionne. Pour la défense, cela impose une approche différente : se concentrer sur les points de monétisation, sur les proxys de distribution (CDN, hébergeurs cloud), et sur l’éducation de l’utilisateur final.
Insight : combattre les IPTV, c’est attaquer une chaîne de valeur — pas seulement une URL. La technique seule ne suffit pas ; il faut casser le modèle économique.

Ce que font aujourd’hui les hackers éthiques et les équipes anti-piratage — tactiques et recommandations
Pour rester concret, revenons à Lucas, notre analyste. Sa boîte travaille avec des studios et des chaînes. Leur démarche n’est pas punitive pour le plaisir ; elle est pragmatique : réduire l’impact économique et protéger les créations. Concrètement, voici les tactiques qu’ils emploient, et celles que je recommande si vous êtes dans l’autre camp (sécurité, édition, devops).
- Surveillance proactive : crawlers, alertes sur darknet et forums, et fingerprinting pour détecter les nouvelles sources.
- Sinkholing et honeypots : attirer les opérateurs pour remonter la chaîne de distribution.
- Collaboration FAI / paiement : bloquer les méthodes de paiement et colmater les points de monétisation.
- Action juridique ciblée : viser les hébergeurs, pas seulement les noms de domaine.
- Éducation : rendre l’offre légale plus simple et communiquer sur les risques techniques et juridiques.
Quelques axes techniques précis : améliorer les systèmes de fingerprinting vidéo pour des détections plus rapides ; déployer des honeypots légers qui simulent des catalogues piratés pour suivre les acteurs ; coopérer avec les plateformes clouds pour suspendre des VMs. Et côté utilisateur, promouvoir des parcours d’abonnement sans friction pour réduire l’attrait du gratuit mal fichu.
Je recommande aussi à toute équipe technique de maîtriser ses outils d’investigation : savoir localiser une adresse IP, comprendre l’utilisation de TOR et quand il sert seulement à masquer des traces (guide TOR), et connaître le darknet quand on veut surveiller les canaux où se vendent des comptes et des crédentials.
Enfin, une posture éthique : budgéter la prévention plutôt que l’intervention. Les studios qui investissent dans l’UX et des offres légales compétitives gagnent des parts de marché. Ceux qui misent uniquement sur la répression ont un effet court terme, parfois coûteux.
Insight : la meilleure défense mélange veille technique, pression économique et communication auprès des utilisateurs.

Pourquoi YggTorrent et Wawacity ont perdu de l’audience récemment ?
Parce qu’une combinaison d’actions judiciaires, de blocages par les fournisseurs d’accès et d’une évolution des usages a fragmenté le trafic. La fermeture de domaines ampute l’audience visible mais n’élimine pas nécessairement les flux via IPTV ou miroirs.
Les fermetures de sites sont-elles efficaces ?
Elles réduisent l’impact immédiat et gênent les modèles de monétisation, mais elles poussent souvent les opérateurs vers des techniques plus résilientes comme les miroirs, l’hébergement offshore ou les IPTV. Il faut coupler juridique et technique.
Que faire contre un bouquet IPTV illégal ?
Travailler sur les points de monétisation (paiement, affiliés), signaler les flux aux hébergeurs cloud et travailler avec les FAI pour identifier les serveurs. La pression économique est souvent plus efficace que la seule répression technique.
Comment les ayants droit peuvent-ils améliorer leur stratégie ?
Investir dans la détection proactive (fingerprinting), renforcer la coopération internationale, simplifier l’offre légale pour réduire le recours au gratuit, et cibler la monétisation illicite plutôt que de multiplier les ordonnances techniques.
